BioéthiqueLe débat sur l’embryon suscite des tensions à droite
Claire Legros – publié le 16/05/2011
Le vote, en commission spéciale de bioéthique, de l’autorisation encadrée de la recherche sur l’embryon, divise la majorité parlementaire. Des négociations sont prévues cette semaine, avant les débats en séance programmés à partir du 25 mai.
Le débat sur la bioéthique n’en finit pas de faire des vagues. Le vote en commission spéciale, mercredi 11 mai à l’Assemblée nationale, de" l’autorisation encadrée" de la recherche sur l’embryon, suscite des remous au sein de l’UMP. Réunis dans le cadre de la deuxième lecture du projet de loi de bioéthique, une majorité des députés de la commission a en effet suivi le Sénat qui avait donné son feu vert, le 8 avril dernier, à l’utilisation des cellules souches embryonnaires pour la recherche.
Certes il ne s’agit « que » d’un vote en commission. Mais il marque un tournant et montre combien les questions de bioéthique touchent aux convictions personnelles et dépassent, sur le fonds, les clivages politiques traditionnels. En première lecture, les députés, en commission et en séance, avaient en effet suivi le projet du ministre de la santé, et tranché pour un régime d’interdiction, assorti de dérogations. Cette fois, une partie des élus de droite, la plupart de formation médicale, Bernard Debré, Jean Sébastien Vialatte et Olivier Jardé, ont choisi de se désolidariser du projet du gouvernement pour se rallier à la gauche.
L’amendement rétablissant une interdiction assortie de dérogations a été rejeté à une majorité de deux voix (21 voix contre 19). « Manifestement, la gauche était mieux mobilisée que la droite, estime le député UMP Hervé Mariton, partisan de l’interdiction. Moins de la moitié des inscrits à la commission étaient présents et l’absence du gouvernement, contrairement à la première lecture, a pu jouer un rôle.» « C’est vrai que l’absence des ministres à pu peser, constate le rapporteur de la commission, le député Jean Léonetti. Mais en bioéthique, c’est toujours compliqué, chacun vote en conscience, surtout en commission où les parlementaires présents sont les plus intéressés, analyse-t-il. On aboutit à une majorité à géométrie variable qui peut basculer à trois voix près. Le match n’est pas terminé, et l’on n’a pas fini de voir les majorités se faire et se défaire jusqu’au bout.»
Donnant-donnant. Les opposants à la recherche sur l’embryon ont, en réaction, rejeté en bloc l’article 19 sur l’assistance médicale à la procréation (AMP). En l’état, le texte voté par la commission interdit tout recours aux techniques d’AMP. Le blocage est réel. « Pour un certain nombre d’entre nous, la recherche sur l’embryon est suffisamment essentielle pour que son autorisation nous amène à rejeter l’ensemble du texte en séance », assure Hervé Mariton, dans une menace à peine voilée. « Il est évident que l’on ne pourra pas en rester là », admet de son côté Olivier Jardé (Nouveau centre), partisan de l’autorisation encadrée, mais qui se dit « prêt à revenir à une interdiction avec dérogations » même s’il juge la « nuance sémantique hypocrite ». « Je suis catholique pratiquant et je considère que les embryons qui ne font plus l’objet d’une autorisation parentale doivent être utilisés tant que la recherche est nécessaire et peut sauver des vies », explique-t-il.
Des discussions internes à la majorité sont prévus dans les prochains jours. La bioéthique devrait ainsi être au centre des débats mercredi lors d’un déjeuner prévu entre députés UMP et Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement. Y aura-t-il rappel à l’ordre du gouvernement et sera-t-il entendu ? La question mérite d’être posée alors que la majorité se fissure, avec l’adoption dimanche 15 mai par les députés du Parti radical de Jean-Louis Borloo de leur « indépendance vis-à-vis de l’UMP. » « Le moins que l’on puisse dire, c’est que le débat méritait davantage de sérénité », estime Olivier Jardé. Réponse dans l’hémicycle, à partir du 25 mai.