Cher(e) ami(e),
Veuillez trouver ci-joint le compte-rendu de la réunion sur la santé qui s’est tenue à la brasserie Le Forum.
Amitiés,
Olivier JARDE
Le modèle d’État-providence bâti à l’issu de la Seconde Guerre mondiale est désormais à bout de souffle. Les conditions économiques et démographiques font que les mécanismes imaginés en 1945 ne sont ni efficaces, ni durables. Pour préserver l’esprit de notre système, nous devons désormais en changer profondément la structure.
L’État-providence n’a désormais plus les moyens d’honorer les promesses d’un interventionnisme maximaliste. Ce dernier l’a conduit à éparpiller ses actions et à en diluer l’efficacité. Mais l’esprit de générosité et de solidarité qui l’avait inspiré peut être préservé à condition d’avoir le courage de conclure un pacte de solidarité nouveau, concentré sur l’essentiel pour être réellement performant et équilibré. Le diagnostic des graves problèmes de notre protection sociale n’est plus à faire : structurellement déficitaire, elle ne parvient pas à éradiquer la pauvreté tout en étant l’une des plus coûteuses d’Europe. Avec le défi de l’allongement de la durée de vie, ces imperfections vont, si rien n’est entrepris, s’accroître de façon exponentielle. Seule une refonte des bases du système sera de nature à en garantir la pérennité et l’efficacité. Le nouvel édifice de notre protection sociale doit reposer sur deux principes : la garantie d’un filet de protection empêchant l’extrême pauvreté d’une part, la responsabilisation de chacun pour mettre fin aux abus et au gâchis d’autre part. Et il faut éviter que se creuse une différence de plus en plus grande entre les riches et les pauvres.Actuellement 10% de la population est propriétaire de 60% de la richesse nationale, 38 % de 35 % et 52% de 5%. La complexité extrême de notre système de protection sociale produit gâchis, coûts excédentaires de gestion et inégalités. De plus, les différents seuils produisent des trappes à l’inactivité. La solidarité que ce système doit mettre en oeuvre devient ainsi illisible. Les ayants droit eux-mêmes deviennent incapables d’accéder aux aides qu’ils devraient pourtant percevoir.
Actuellement, avoir un rendez-vous avec un ophtalmologue dans la deuxième circonscription de la Somme devient compliqué, par ailleurs ce qui est totalement gratuit n’a pas de valeur aux yeux des patients et est utilisé de façon surabondante « en consommateurs ». C’est le cas des dépenses de santé : les Français doivent être responsabilisés vis-à-vis d’elles.Côté recettes, il convient de cesser l’absurdité qui fait reposer sur le seul travail l’ensemble de la protection sociale. Côté dépenses, pour les limiter il faut appliquer le concept de soins BEM (Base Évidence Médecine)…Pas de preuve pas de remboursement. Il faut contrôler les polymédicamentés et les indications des soins. Le problème de la dépense reste la primo prescription d’examens,de soins, de chirurgie, aggravée par la démographie.Lors de mes consultations, je suis toujours surpris, voire scandalisé par le nombre d’examens inutiles qui ont été réalisés auparavant. De nombreux malades viennent avec des IRM pour des pathologies osseuses alors que l’IRM est un excellent examen pour voir les tissus et moins pour les os. Une simple radiographie aurait suffi. Même si nous sommes égaux devant la maladie, il faut réfléchir sur l’instauration d’une franchise calculée sur le revenu : chaque personne supporte ses dépenses de santé jusqu’à un montant représentant un pourcentage donné de ses revenus. Au-delà, tout est remboursé. Les affections longue durée sont exclues de la franchise : pour mémoire, près de dix millions de personne sont aujourd’hui en franchise complète de dépenses de santé pour affection de longue durée. La protection contre le risque de maladie doit être également financée par tous les consommateurs puisqu’elle concerne tout le monde. La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA)étant l’impôt à l’assiette la plus large, une partie de ses ressources sera affectée aux dépenses de santé. En contrepartie, les cotisations versées par les employeurs et les salariés seront réduites, permettant de baisser le coût du travail. De même, les contributions à la politique familiale ne doivent plus reposer sur le seul travail mais être abondées par la consommation. Les branches assurance du travail et de la maladie professionnelle de la Sécurité sociale, ainsi que l’assurance-chômage, restent elles financées à 100% par les cotisations sociales.
Les réformes législatives se succèdent, chacune apportant des propositions intéressantes. Mais aucune de ces réformes ne s’attaque à deux grands maux français que sont la consommation excessive de produits de santé et la redondance, deux grands maux qui s’associent à la désertification de structures de soins primaires et de structures hospitalières non évaluées et non adaptées aux nouveaux besoins de la population et aux progrès technologiques. Aujourd’hui, une partie de plus en plus importante de la population, en raison dela crise économique, du chômage et de la fragilisation de la cellule familiale, a besoin d’une prise en charge longue, à la fois médicale et sociale. Actuellement, les centres de santé représentent moins de 2,5% de l’offre de soins ambulatoires. La pratique pluri-professionnelle leur permet d’assurer une activité de soins, de prévention.Il faut insister sur la prévention primaire et le rôle du médecin traitant. Ces centres de santé permettent une prise en charge sociale et médicale et de participer à la permanence des soins sur ce territoire. Ainsi, dans cette optique, a été réalisé le centre de soins d’Amiens Nord. On ne peut plus raisonner en nombre de médecins mais en temps médical, ce qui répond à la demande des jeunes praticiens.
Il faut par ailleurs que les médecins fassent de la médecine et uniquement de la médecine. Je m’insurge sur le fait actuel que les médecins en sont réduits à des tâches de secrétariat, prennent des rendez-vous ou rédigent des courriers. Est ce normal que je tape mes lettres de sortie et mes compte-rendu opératoires ? Ils sont mal tapés et je serais très certainement plus utile en faisant une intervention chirurgicale de plus. Il faut équitablement répartir ces centres sur le territoire et éviter qu’en son absence, les malades parfois bénins engorgent les services d’urgence. Il faut évaluer les économies liées aux regroupements de structures existantes et donner aux Agences Régionales de Santé (ARS) une véritable mission de structuration de l’offre de soins primaires à visée médicale et sociale, associant la prévention et l’éducation à la santé. Une offre de soins primaires de qualité, une complémentarité entre secteurs publics et privés, la pleine exploitation des technologies de l’information et de la communication doivent aussi permettre aux ARS de rationaliser le secteur hospitalier qui dépend toujours du ministère dans chaque territoire, à condition de leur donner plus d’indépendance vis-à-vis de l’échelon national.
S’il apparaît évident que les soins de haute technicité doivent être réservés à des établissements de référence disposant de ressources techniques et humaines indispensables pour la qualité et la sécurité des soins, il persiste une ambiguïté sur les missions des structures hospitalières de proximité. Ces établissements doivent d’abord se concentrer sur des activités médicales non interventionnelles de gériatrie, de soins palliatifs, de soins de suite et de réadaptation. Il faut un hôpital de proximité a visée interventionnelle,sans définition précise du champ d’intervention revenant à oublier les contraintes liées à la démographie médicale, les contraintes économiques et les risques encourus par le malade en lien avec la sous-activité de l’établissement. Il est urgent de développer les outils de télémédecine et les moyens de transport entre les établissements de référence.Sur le sujet de la santé en général, la réunion a insisté sur quatre points :
– La nécessite de régionaliser le système de
santé comme en Alsace-Moselle.
– La fin du numerus clausus dans les études
de médecine. Il est insupportable d’être
collé en France et reçu dans un autre pays
européen.
– Le mode d’exercice a changé. Il faut
soutenir les maisons de santé issues d’un
projet médical avec définition du projet et
validation régionale de l’ARS et du Conseil
Régionale de l’Ordre des Médecins.
– Il faut encourager les collectivités pour établir
un réseau numérique de qualité
permettant de lutter contre la désertification
par l’envoi de résultat à des
spécialistes, ce qui améliore le fonctionnement
et les dépenses.