Newsletter n°14 : L’amendement sur le regroupement fam ilial : au cœur des débats parlementaires pour la loi sur l’immigration.

Madame, Monsieur, Cher (e) Ami (e),

La session extraordinaire du Parlement s’est ouverte en septembre et a tenu toutes ses promesses.
Le premier texte à l’ordre du jour portait sur la maîtrise de l’immigration, de l’intégration et de l’asile. C’était un projet de loi relatif au regroupement familial venant compléter les précédents sur ce thème. Les mesures annoncées étaient bonnes et pragmatiques. En revanche, un amendement sur la vérification de la filiation par test ADN m’a suscité de nombreuses questions. Comme bon nombre de députés de la majorité, ces tests basés sur le volontariat et réalisés dans les pays d’origine pour faciliter le regroupement familial ne me paraissaient pas la bonne réponse à la problématique posée surtout lorsque l’on pense que cette possibilité posée ne concerne qu’une faible partie des étrangers nouvellement arrivés en France, soit 17 000 enfants ou conjoints sur les 140 000 nouveaux titres de séjours délivrés en 2006.

Le Gouvernement a accepté l’amendement controversé du rapporteur du projet de loi mais en l’assortissant d’une expérimentation de deux ans et d’un certain nombre d’autres critères permettant d’encadrer cette mesure.

Pour ma part, je n’ai volontairement pas pris part au vote, car il m’a semblé que cette modification législative était en totale contradiction avec la loi bioéthique de 1994 pour laquelle j’ai participé, en tant que porte-parole, à sa modification en 2004. L’amendement proposé stipulait que le regroupement familial était facilité par la présentation de tests génétiques prouvant une filiation biologique. Cela signifiait que la famille susceptible d’être autorisée à se regrouper en France est en grande partie définie par des critères biologiques. Or, on connaît les incertitudes génétiques des familles … évaluées à 15% !
L’un des arguments majeurs du rapporteur du projet de loi était qu’une telle mesure était appliquée en routine dans douze pays européens dont le Danemark, la Finlande, l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre. Ces informations ne sont pas conformes à la réalité. Il n’y a de lois encadrant les tests génétiques dans le cadre du regroupement familial, ni en Italie, ni en Allemagne, ni en Angleterre. En fait, la France serait plutôt isolée en Europe si elle adoptait le texte.
En Italie et en Allemagne, les tests sont utilisés de façon exceptionnelle, pratiqués par des laboratoires nationaux dans des cas très particuliers, à la demande de familles, sans que cela s’intègre à un dispositif sélectif supplémentaire.
Quelle est la constitutionnalité d’une telle contradiction entre deux textes de loi, l’un s’appliquant aux familles françaises dont les contours ne peuvent être définis seulement par la biologie, et l’autre aux familles étrangères qui relèveraient des lois du sang ?
Sans préjuger de la décision des sénateurs, je tiens à souligner que l’article traitant de l’utilisation des tests génétiques dans l’établissement des dossiers regroupement familial est, d’un point de vue philosophique immoral.
Et surtout, parce que l’impératif catégorique d’Emmanuel Kant nous interpelle : « Agis selon la maxime qui peut en même temps se transformer en loi universelle ».
Cet impératif a été mainte fois critiqué, mais n’a jamais été considéré comme insignifiant. Des notions fondant le droit international telles que l’universalité des droits de l’homme, aussi bien que le bon sens populaire (ne fais pas à autrui, ce que tu n’aimerais pas que l’on te fît), s’y réfèrent implicitement. A l’aube de ce corpus philosophique et juridique dont se réclament en principe toutes les nations représentées à l’ONU, il est indéfendable sur le plan moral d’adopter des définitions différentes des familles selon qu’elles sont d’ici ou d’ailleurs.
On ne peut imaginer que la politique se limite à la poursuite d’objectifs moraux. A l’encontre d’une certaine largeur d’esprit d’Emmanuel Kant, Hegel notait avec justesse que, selon ce principe, bien peu de grandes choses auraient été accomplies dans l’histoire. Cependant, la question mérite d’être posée : une loi immorale, s’appuyant sur des données incorrectes adoptée par une instance démocratique, est-elle légitime ?

Lors de son examen au Sénat, cet article a été retoqué par les membres de la Commission des lois. La polémique continue à être attisée par le dépôt en séance, par le ministre de l’immigration, de l’identité nationale et du codéveloppement, d’un amendement qui avance l’idée de soumettre les tests à l’autorisation d’un magistrat civil et propose de les limiter à la recherche d’une preuve de filiation avec la mère, mais jamais avec le père. Les sénateurs se prononceront donc aujourd’hui ou demain sur son opportunité.

N’hésitez pas à me faire part de vos réflexions et suggestions aux adresses ci-dessous :
ojarde@assemblee-nationale.fr
ou
103ter rue Victor Hugo 80440 BOVES

Je reste à votre disposition,
Bien cordialement et à très bientôt !

Olivier JARDÉ
www.olivierjarde.info

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.